En 1970 le destin de Mylène s’unit à celui de deux jeunes garçons, Jérôme Dahan et Laurent Boutonnat. Le hasard fait plutôt bien les choses : les deux compères ont composé une chanson, et cherchent une interprète. Ils convoquent officiellement Mylène à un casting, et la choisissent parmi d’autres filles, en raison notamment de son air « psychotique » (personne qui souffre de psychose à maladie mentale grave caractérisée par une perte de contact avec la réalité et une altération du fonctionnement mental) comme l’expliquera Laurent plus tard. Ainsi naît une comptine torturée, « Maman à tort » : « 1, Maman à tort / 2, C’est beau l’amour / 3, L’infirmière pleure / 4, Je l’aime. » Tout est dit. En un refrain, les jalons sont posés : ambiguïté, allusion faussement naïve aux plaisirs « impolis », flirt avec la névrose infantile et l’humiliation.
« Maman à tort » sort en mars 1984, chez RCA, après bien des difficultés : « un an après le début de nos démarches, François Dacla a décidé de nous signer chez RCA en licence (Mylène n’étant pas une artiste maison). Nous étions soulagés mais le disque est sorti tel quel timidement, avec un instrumental en face B, car nous n’avions pas le budget pour faire un autre titre. La promo RCA n’y croyait pas beaucoup, pour eux, on était des Ovnis, notre production n’était pas dans l’esprit de l’époque. » (Jérôme Dahan, Platine, n°11, 1996) Le single sort avec une pochette en noir et blanc, où Mylène pose en nuisette vaporeuse. Immédiatement, la presse réserve un accueil plus chaleureux au titre, qui tranche radicalement avec les habituelles chansonnettes de la variété, « une drôle de petite chanson perverse qui a le goût des bonbons trop acidulés qui agacent le palais » (Le Matin de Paris, juillet 1984). Le 45 tours est dédié à Louis II de Bavière et à une certaine Frances… En fait, Frances Farmer, à qui Mylène emprunte le patronyme. Frances Farmer, actrice américaine déglinguée à la vie somnambulique, qui illumina Hollywood dans les années 1930-1940, se traîna d’excès en asiles, sous le joug d’une mère abusive, et finira par mourir en 1970, à cinquante-sept ans, brisée et indigente. Maman avait-elle tort ? Il semble bien que oui…
Malgré tout, le titre concocté par Dahan et Boutonnat peine un peu à décoller, et RCA n’aide pas beaucoup le trio débutant. A l’époque, Jeanne Mas à la main mise sur les charts (hit en anglais), et il faut en faire des tonnes pour se faire remarquer parmi les prétendants au tube de l’été.