Le pari est tenu haut la main avec la sortie, en février 1987, de « Tristana », un titre inédit qui voit l’entrée en collaboration artistique d’un nouveau venu au mixage, Thierry Rogen présenté à Laurent Boutonnat par Michel Eli (producteur d’Axel Bauer). « Tristana » est une chanson triste à la mélodie redoutable, sur la folie et la solitude. Elle peut correspondre à une déclinaison du célèbre film Tristana de Bunuel, avec Catherine Deneuve dans le rôle-titre. Mais là encore, c’est avant tout le clip, tourné en avril et produit par Boutonnat, Movie Box et Polygram, qui retient les attentions. Les ingrédients habituels sont là : durée (plus de onze minutes), technique (Cinémascope), grosse équipe (une quarantaine de personnes, déjà présentes sur « Libertine »), tournage éclair sur cinq jours dans le Vercors par un froid glacial, à raison d’environ quinze heures par jour (le photographe de plateau, Christophe Mourthé, s’évanouit même de fatigue !), commercialisation de la bande original du vidéo-clip, différente du single…
Pour illustrer « Tristana », Laurent Boutonnat imagine cette fois un curieux mariage : Perrault et Lénine !en effet, le clip transpose l’histoire de Blanche-Neige dans la Russie prébolchevique, avec des inserts de vraies images de la révolution de 1917 et des discours enflammés de Lénine. Alors que la jeune et belle Tristana est pourchassée par les hommes de main d’une tsarine jalouse (incarnée par Sophie Tellier, la rivale de Libertine), elle est recueillie par des gentils nains travailleurs. Hélas, la douce beauté est vite retrouvée par son abominable adversaire, qui use, pour faire succomber le princesse, d’une pomme décidément très bizarre, tandis que la tsarine jette violemment le fruit contre Tristana, on aperçoit une giclée de sang qui éclabousse un portait de Marx !
Le clip de « Tristana », présenté en avant-première au cinéma UGC Normandie (toujours sur les Champs-Elysées) le 6 mai, présente une Mylène pure et emmitouflée, à mille lieues des coquineries dénudées du précédent clip. L’image de la chanteuse se fait alors plus complexe. Les premiers fans affluent. Le seul problème pour passer le clip dans son intégralité est de trouver une chaîne susceptible de le faire, TV6 étant morte début 1987 dans le contexte houleux des restructurations du PAF (privatisation de TF1).
« Tristana » est inclus dans l’album Cendres de lune (réédité pour l’occasion) et relance ses ventes (600 000 estimées au total). Pendant les promos télé, Mylène est désormais accompagnée par deux danseuses (dont Sophie Tellier) et reproduit à chaque fois la même chorégraphie. Elle participe également de bon cœur à des émissions de sketches à l’humour potache, très en vogue à l’époque (Cocoricocoboy , Affaire suivante), qui révèlent des talents comiques indéniables. Lors des Victoires de la musique de l’année 1987, « Tristana » est nommé clip de l’année.