L’album Ainsi soit je…, lui, a tranquillement dépassé le demi-million d’exemplaires. Assez présente dans les médias (le show est désormais rodé : chorégraphie et mystère), Mylène Farmer annonce tout de go qu’elle prépare son premiers spectacle et qu’elle se produira sur la scène du Palais des Sports, au mois de mai 1989.
Le 19 novembre 1988 est marqué par un événement de taille : Mylène est sacrée meilleure interprète féminine lors de la 4e édition des Victoires de la musique, devant France Gall Guesh Patti. Elle vient chercher son prix, bouleversée, qu’elle reçoit des mains d’un Alain Souchon compréhensif (ou ironique, c’est selon…) et doit normalement interpréter la chanson « Sans logique », ce qu’elle ne fait pas. Libération, dans son édition du 21 novembre, ne manque pas d’observer de façon assez vacharde ce manquement de la chanteuse à ses « obligations » : « Meilleure « chanteuse » l’énigmatique Mylène Farmer, Hermione geignarde, fut la seule à ne pas chanter (Tiens ?), se contentant de remercier « le public » et de marmonner « contente et triste ». Faute d’explication, son laconisme soulève de nouveaux mystères. Maîtresse secrète de Platini ? Est-ce son contrat que Rocard a négocié à l’étranger ? Est-il si pénible d’être riche ? »
Alors que « PQSD » (rebaptisé « Douce » pour l’export) est encore dans tous les esprits (800 000 exemplaires en tout et une première : Mylène atteint enfin la première place du classement au Top pendant cinq semaines), la chanson « Sans logique » sort en février 1989, accompagnée d’un clip tourné dans les studios d’Arpajon qui, s’il est plus discret que son prédécesseur, reste néanmoins l’un des plus symboliques dans l’œuvre de Laurent Boutonnat. Dans une ambiance de corrida espagnole que n’aurait pas reniée le peintre Goya, Mylène, coiffée d’une paire cornes, se bat contre son amant, qu’elle finit par transpercer, sous le regard avide de vieillards et d’enfant aux airs pas trop innocents ! Rajoutons que les paroles de cette chanson gentiment démonologique (« Si Dieu nous fait à son image / Si c’était sa volonté / Il aurait dû prendre ombrage / Du Malin mal habité / Qui s’immisce et se partage / Je voudrais comprendre ») collent parfaitement aux évocations érotiques et sulfureuses du clip : Mylène joue le rôle du taureau et encorne son amant-toréro aux traits féminins, alors que la scène est agrémentée d’image d’un crucifix souillé, trimbalé par les gamins. Quoi qu’il en soit, « Sans logique » est un joli succès, et le 45 tours comporte une face B qui devient rapidement culte, « Dernier sourire », poème cruel sur la fin de vie, la douleur et l’injustice de l’arrachement que constitue la mort d’un proche : « Sentir ton corps / Tout ton être qui se tord / Souriant de douleur / Sentir ton heure / Poindre au cœur / D’une chambre qui bannit le mot tendre. » Sur la pochette, la chanteuse pleure une larme de sang…
Désormais omniprésente dans le Top 50, Mylène Farmer est devenue une artiste majeure chez Polydor. On ne lui déroule pas encore le tapis rouge, mais elle est traitée avec tous les égards dus à ses ventes ! Il lui reste encore un combat à mener, celui de la scène… Et elle s’y prépare : « Tout les jours, un professeur vient m’entraîner. Finies les folies Coca-Cola ! Je prends aussi des cours de chant, pour donner de l’assurance à ma voix. Je ne m’étais jamais rendu compte à quel point la respiration est importante » (Télé 7 jours, octobre 1988).